Milieux humides et hydriques : quand la réalité se charge d’illustrer le propose

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Nous devions ce mois-ci vous entretenir encore une fois du Plan régional sur les milieux humides et hydriques (PRMHH) dont le projet, élaboré ici à l’île, est actuellement à l’étude au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCLFP). Comme la réaction du ministère se fait attendre et comme il y a eu quelques commentaires de citoyens aux deux premiers articles déjà publiés sur le sujet, nous profitons de cet intermède pour soulever un événement qui nous est apparu inquiétant relativement au sujet abordé, à savoir l’existence de lieux d’enfouissement de matériaux de construction ou de démolition à l’île d’Orléans. 

Un cas s’est avéré illustrer jusqu’à la caricature ce type de perturbation du milieu naturel tant il déroge à nombre de règles en vigueur sur notre territoire. Il s’agit d’une décharge sauvage de matériaux divers (voir les photos) dans une forêt de Saint-Laurent hébergeant plusieurs milieux humides. L’œuvre est celle d’un entrepreneur local.

Étonnant qu’autant d’entorses aux règlements (voir l’encart) aient été réunies en un seul lieu ! En plus d’être évidemment sur un site patrimonial, les lieux de déversements sont situés en territoire agricole, sont boisés et dans une zone de conservation renfermant plusieurs milieux humides. De plus, dans un endroit du bassin versant à propos duquel il est facile de présumer que, compte tenu de la configuration du réseau hydrique, les eaux souterraines et de ruissellement vont sans doute atteindre les nombreuses résidences situées à proximité, en contrebas. 

Des vérifications effectuées auprès des autorités compétentes confirment qu’aucun certificat ni permis n’ont été demandés à une quelconque entité gouvernementale ou municipale. Des plaintes ont toutefois été soumises à ces instances par des citoyens. Des inspections ont été réalisées, des dérogations constatées et des avis de non-conformité émis au mois d’août dernier. 

Au moment d’écrire ces lignes, rien n’a bougé. Il semble même qu’il y ait eu récidive après les avis de non-conformité et qu’une nouvelle plainte ait été déposée le 15 mars auprès du MELCCLFP. 

De son côté, le ministère nous a informés que « le contrevenant a engagé une entreprise spécialisée pour réaliser un plan de mesures correctives […]. Pour cette raison, le ministère a accepté une prolongation pour permettre le dépôt […] de ce plan et la réalisation des travaux au printemps 2023. Un suivi de manquement sera réalisé à l’été 2023, ont ajouté ses représentants ».

Nous n’avons évidemment pas épuisé toute la réglementation existante, mais il est raisonnable de penser qu’en plus des dispositions évoquées dans l’encart, d’autres lois et règlements ont aussi été bafoués.

Le cas relaté dans cet article est-il unique ? Sans doute pas, car il est avéré que quatre ou cinq dossiers semblables ont été ouverts à la MRC au cours des deux dernières années.

À suivre !

Encart

CE QUE DIT LA RÉGLEMENTATION À CE SUJET

À titre d’exemple seulement, nous énumérons dans ce qui suit quelques lois et règlements qui s’appliquent en regard des nombreuses infractions commises dans ce dossier.

1- « Quiconque […] exécute des travaux ou des ouvrages […] dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d’autorisation. Le certificat d’autorisation doit être émis avant que la municipalité puisse émettre un permis ou certificat relatif à ces travaux. Tous les milieux humides, répertoriés ou non, sont visés par l’application des présentes dispositions ». – Article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), repris dans le règlement de zonage de Saint-Laurent à l’article 11.4.1 sur les milieux humides.

2- « Tous les matériaux secs, tels que définis dans la LQE, pavage, bordure, etc. ainsi que le bois et autres matériaux de construction sont strictement prohibés ». – Règlement de zonage de Saint-Laurent à l’article 15.19.1 sur les remblais et déblais.

3- « Dans l’affectation de conservation, seuls les coupes d’assainissement et de récupération et le prélèvement forestier à des fins domestiques ainsi que les chemins d’accès sont autorisés ». 

4- « Les usages suivants sont formellement prohibés sur l’ensemble du territoire de la MRC de L’Île-d’Orléans : […] Les dépotoirs et installations inhérents aux ordures. Notamment les usages d’incinérateurs, de station centrale, de compactage des ordures, de dépôt de matériaux secs, d’enfouissement sanitaire, de dépotoir pour les rebuts industriels… ». – Schéma d’aménagement de la MRC de l’Île-d’Orléans.

5- « Nul ne peut déposer ou rejeter des matières résiduelles, ni permettre leur dépôt ou rejet, dans un endroit autre qu’un lieu où leur stockage, leur traitement ou leur élimination sont autorisés par le ministre ou le gouvernement en application des dispositions de la [loi et de ses règlements] ». – LQE, art.66.

Photo 1 : L’asphalte et le béton sont des matériaux qu’il est possible de valoriser, notamment pour la construction de routes. Il s’agit ici plutôt d’enfouissement de matières résiduelles pourtant strictement règlementé en ce qui concerne le stockage, le conditionnement et la réutilisation. ©Courtoisie

Photo 2 : Le couvert de terre indique une volonté de dissimulation. Si l’intention avait été de construire un chemin forestier, par exemple, une couche de roulement faite d’un granulat quelconque aurait été requise en surface, des fossés creusés pour assécher les lieux, etc. D’ailleurs, un chemin doit normalement mener quelque part ; ici, pas de destination apparente ! ©Courtoisie

Photo 3 : On remarque ici un talus préexistant, ce qui laisse entendre qu’il ne s’agit pas du premier épandage. Un site d’enfouissement en pleine forêt ? ©Courtoisie

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