Les milieux humides et hydriques à l’île d’Orléans (1 de 3)

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Le mois dernier, le Conseil des maires de la MRC de L’Île-d’Orléans a adopté son projet final de Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH). Ce projet a par la suite été déposé au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) pour approbation ; ce qui implique que certaines modifications pourraient y être apportées avant son approbation finale. 

Les MRC et les municipalités se sont vu récemment confier par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme des pouvoirs étendus relativement à la protection et à la conservation des milieux naturels : milieux humides et forestiers, cours d’eau, etc. Ces instances possèdent désormais la latitude nécessaire à leur préservation, notamment par l’élaboration et la mise en œuvre de réglementations visant un développement soutenable du territoire.

Le projet soumis au MELCC est le résultat d’une longue démarche qui s’est échelonnée sur plus de deux années : travaux préparatoires et attributions de mandats à des organismes de recherche et conseil, séance d’information et de consultation de la population sur l’élaboration du PRMHH, identification et caractérisation des milieux humides et hydriques, mise sur pied d’une table de concertation et rencontres officielles de cette table à quatre reprises, rédaction du projet de PRMHH, ci-après nommé Plan régional. Siégeaient à la table de concertation une trentaine de personnes issues de la communauté orléanaise et d’organismes divers.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, car il faudra attendre l’adoption finale du Plan régional, les modifications subséquentes du schéma d’aménagement (MRC) et, en fin de parcours, les changements conséquents aux règlements de zonage des municipalités. Alors seulement, nous aurons un dispositif réglementaire et un plan d’action permettant une véritable protection des MHH, qu’il faudra, bien entendu, mettre en œuvre !

Agir maintenant

Mais pourquoi donc ce branle-bas sinon pour s’attaquer à un problème trop longtemps négligé, à savoir la lente dégradation des milieux naturels à l’île – et ailleurs aussi, nous devons le reconnaître. Il faut ajouter à une nouvelle sensibilité environnementale le fait que tout un ensemble de lois et de règlements contraint désormais les entités gouvernementales et les citoyens à prendre en main la conservation.

Les milieux humides et hydriques (MHH) à l’échelle du territoire

Un portrait

L’étude réalisée par le Groupe Hémisphères pour le compte de la MRC identifie 1 145 milieux humides qui couvrent 3 540 hectares (ha), soit autour de 15 % de la superficie du territoire de la MRC. Les marais (sur les battures, surtout du côté nord de l’île et sur la pointe est), marécages arborescents et tourbières boisées (en milieu forestier, principalement au centre de l’île) représentent à eux seuls plus de 70 % de cette superficie. 125 bassins (étangs) d’irrigation, parmi les 600 dispersés sur le territoire, sont considérés comme des MH. Quant aux cours d’eau, si la majorité d’entre eux sont intermittents, on a évalué que ceux pouvant être considérés comme permanents font quand même, mis bout à bout, environ 145 km. De manière générale, ces cours d’eau prennent leur source soit dans des milieux naturels boisés et humides, soit dans les terres agricoles ou encore dans les étangs d’irrigation.

Tableau 1 : Répartition des milieux humides selon le type (d’après la source citée à la note 5)

Types de milieux humidesNombre de chacun des types de MHSuperficie de chacun des types de MH (ha)Proportion des MH de chacun des types par rapport à la superficie totale des MH (%)
Eau peu profonde69407,1111,44
Étang12522,440,63
Marais99902,5125,35
Prairie humide92235,206,61
Marécage abusif96284,377,99
Marécage arborescent4551129,1831,72
Tourbière ouverte1615,290,43
Tourbière boisée193564,0815,84
Total11453560,18100,00

La carte ci-dessous montre la distribution des MH sur le territoire de l’île. Les pointillés encerclent ce que l’on appelle les unités géographiques (UG), ces portions du territoire qui correspondent aux bassins versants ou résiduels. Les premiers sont ceux où les eaux convergent vers un même point (l’exutoire qui donne sur le fleuve) via un cours d’eau. Les bassins résiduels quant à eux évacuent l’eau (d’amont en aval) de façon dispersée tout au long de la ligne de bordure avec le fleuve.

On pourra se surprendre de l’absence de certains MH sur cette carte ; il s’agit dans ce cas de milieux plus isolés qui ne font pas partie de réseaux hydriques (ruisseau et autres MH par exemple) et qui ne présentent pas (ou peu) de flore et de faune caractéristiques. Ils n’en sont pas pour autant moins importants, du point de vue hydrologique notamment. D’ailleurs, la Loi sur les milieux humides et hydriques couvre tous les MH, qu’ils apparaissent ou pas dans le Plan régional et que ce dernier les ait classés en haut ou en bas de l’échelle des priorités de conservation (voir à ce sujet le prochain article de la série sur les MHH qui sera publié dans le numéro de mars du journal).

[1] La Loi sur l’eau précise que pour être approuvé par le ministre, un plan régional doit respecter les trois principes suivants : favoriser l’atteinte du principe d’aucune perte nette ; assurer une gestion cohérente par bassin versant; tenir compte des enjeux liés aux changements climatiques.

[2] Terme définit comme ce que l’environnement peut supporter à long terme ; disponibilité des ressources et capacité à absorber les déchets produits.

[3] Un mandat d’inventaire et d’analyse des milieux humides et hydriques a été confié à la firme Groupe Hémisphères, un autre à Transfert Environnement et Société pour le fonctionnement et l’animation de la table de concertation.

[4] Dont des représentants municipaux (13), des citoyens (5), des représentants des secteurs agricole et forestier (8), des groupes environnementaux (4) et des personnes ressources.

[5] Caractérisation environnementale – Portrait global des milieux humide et hydriques sur le territoire de la MRC de l’Île d’Orléans, Rapport technique, 21 décembre 2020. Toutes les données utilisées dans l’article proviennent de cette source.

Des perturbations

Les milieux humides et hydriques ont subi de nombreuses perturbations au fil du temps en raison surtout du réseau routier, de l’agriculture et de l’urbanisation. Le drainage des terres, les fossés de même que le redressement des cours d’eau ont modifié sérieusement la morphologie du terrain et le régime des eaux, ce qui fait que le milieu est devenu plus fragile face aux aléas climatiques, sécheresses ou grandes pluies par exemple. Les MHH, par leur capacité de rétention, contribuent à la régulation de l’eau (contrôle des inondations et des crues) à la protection des rives et des habitats fauniques et floristiques. L’assèchement des milieux humides qui résulte de certaines de ces altérations et la disparition de zones de crues et de sédimentation des cours d’eau ont pour effet notamment de réduire la qualité de l’eau, faute d’une filtration naturelle adéquate (sédiments et contaminants divers), et sa disponibilité tout au long de l’année et non pas qu’en périodes de fonte des neiges et de fortes pluies.

Le tableau qui suit montre les principales perturbations relevées par le Groupe Hémisphères (GH) et citées dans leur rapport d’observation. Ces perturbations locales visibles en surface, si elles pointent du doigt les causes, ne fournissent pas pour autant une évaluation de l’ampleur des effets au sein des MHH et de l’eau souterraine. Creuser par exemple un puits en plein MH et en extraire un grand volume d’eau ne fera qu’affecter une part minime de sa surface, mais pourra exercer néanmoins une influence importante sur l’ensemble de la nappe phréatique.

Tableau 2 : Perturbations recensées dans les milieux humides

Nature des perturbations dans les MHSuperficie approximative affectée des MH   en hectares (ha)Remarques Unités géographiques (UG) concernées
Présence de chemins forestiers28,1Particulièrement présents dans les UG 02, 04, 08 et 14
Coupes forestières20Importantes dans les UG 02 et 18
Remblaiements8,2 
Fossés de drainagen.d.Importants en nombre et en distance couverte car ils bordent les chemins et les champs cultivés
Empiètement pour la culture3,9 
Surface totale60 

D’autres problématiques ont aussi été soulevées par le GH concernant les cours d’eau, entre autres : 

  • des bandes riveraines déficientes en milieu agricole (contamination de l’eau par les pesticides et autres intrants agricoles, sédimentation, etc.) ; 
  • perte de connectivité des milieux naturels (ponceaux, etc.).

En guise de conclusion

Ce rapide tour de piste ne met pas un terme à cette investigation sur les MHH puisqu’un des objectifs de cette longue démarche, qui doit aboutir à un Plan régional, consiste à identifier les MH qui présentent un intérêt tel qu’ils requièrent des interventions prioritaires. C’est justement ce à quoi nous nous attarderons dans le deuxième volet de ce reportage.

Avis à nos lecteurs et lectrices

Conservez ce numéro du journal, car la carte et les tableaux de cet article seront utiles à la compréhension des autres volets du reportage.

Encadré 1

Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH) 

Le PRMHH est un document qui vise à intégrer la conservation des milieux humides et hydriques (MHH) à la planification territoriale des municipalités régionales de comté (MRC). Il est réalisé en concertation avec des acteurs du milieu en vue d’élaborer un portrait de la situation des MHH, d’établir un diagnostic, de formuler des engagements de conservation et de produire une stratégie de mise en œuvre, un plan d’action et des mesures de suivi. Ce document est encadré par la Loi sur l’eau.

Encadré 2

Les milieux humides et hydriques (MHH), ce qu’ils sont, ce qu’ils font

L’expression fait référence à des milieux où l’on observe la présence d’eau de façon temporaire ou permanente. L’eau peut saturer le sol comme dans un marécage ou une tourbière, occuper un lit (lacs et rivières), être en mouvement ou pas. Les bandes riveraines sont considérées comme des MHH.

Ces milieux, occupés par une flore (végétale et microbienne) et une faune adaptées, exercent plusieurs fonctions écologiques dont le maintien et le fonctionnement des écosystèmes, lesquels à leur tour rendent des services indispensables à la vie et au bien-être : filtration de l’eau et recharge des nappes d’eau souterraine, séquestration des contaminants, prévention de l’érosion et stabilisation des berges, régulation du régime de l’eau (rétention et relâchement graduel de l’eau des fortes pluies), fixation du carbone (diminution des gaz à effet de serre) par les tourbières, etc. Le maintien de ces fonctions est d’autant plus assuré quand les MHH sont connectés entre eux soit par l’eau de surface et souterraine, soit par des corridors naturels ; on parle alors de complexes de MHH. 

Voici le lien pour consulter la carte des milieux humides et hydriques de l’île d’Orléans :

Carte MHH VF2.jpg – Google Drive

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