La maison en bas de la côte

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Nous habitons une petite maison tout en bois sur le chemin Royal, à Saint-Jean. Notre nid est bordé d’une rivière, qui abrite un sympathique couple de martins-pêcheurs et un grand héron qui marche tranquillement en cherchant son souper, les soirs d’été.

Notre maison est petite. Ni vieille, ni neuve. Le terrain qui l’entoure est boisé et fleuri. En emménageant, nous avons décidé de laisser aller la nature pour attirer papillons et abeilles, car ils nous aideraient dans notre jardin le temps venu.

Nous vivons simplement, tranquillement, dans notre refuge. Le feu craque dans la cheminée les soirs d’hiver et nous regardons pousser les fleurs et les arbres quand la chaleur arrive.

Tout ça est presque parfait.

Mais, la perfection n’existe pas. Nous habitons dans notre petite maison au pied de la côte Lafleur, côte sinueuse et raide qui a causé bien des chicanes dans le passé.

La côte est hors norme. Elle n’est pas conforme. Elle est dangereuse, disent les ingénieurs. On doit la détruire et en faire une nouvelle. Plus large, plus droite, plus propre. Elle doit devenir conforme aux règles. Et, pour soutenir cette belle grande côte, on doit construire des murs de blocs de béton.

Un des murs en béton sera construit presque chez nous. Il bordera notre terrain sur 30 m de longueur par 4 m de hauteur. Deux fois et demie ma grandeur.

Pour le construire, on devra abattre les arbres du cap. Bouleaux, érables à Giguère, rosiers sauvages, vinaigriers, rochers, mousse et fougères seront arrachés pour y empiler ces blocs. Je pense aux étourneaux qui s’y perchent au printemps, aux chardonnerets qui y font leur nid, aux pics de toutes sortes qui jouent leur musique en hiver. Je pense aussi à notre intimité qui sera dévoilée à tous ceux qui monteront la côte.

Effectivement, ce ne sera pas très beau. Mais le pire dans tout ça, c’est qu’aucun arbre ne sera remplacé. On nous propose de faire nos demandes, mais on nous rappelle qu’on n’a pas d’argent pour revégétaliser et décorer notre fabuleux mur. Nous devrons nous débrouiller.

Nous vivons dans un monde où le temps se réchauffe, où on connaît la valeur des arbres et on comprend qu’il faut chérir notre belle biodiversité. Nous vivons dans une campagne qui protège son patrimoine, qui fleurit avec fierté ses maisons. Mais, nous vivons aussi dans un monde où l’argent gère nos terres et la politique cherche à sauver des sous au détriment de notre belle nature.

Ce soir, j’ai une pensée pour cette belle vieille maison en plein cœur du village de Saint-Laurent. Vous savez celle qui est bordée de rosiers rouges éclatants ? Ces rosiers, qui me font envie et que le propriétaire dorlote chaque été, sont en fait sur la bordure de terrain qui appartient à la municipalité. Elle peut en faire ce qu’elle veut. Même y mettre des jolis blocs de béton !

Nathalie Jourdain

Saint-Jean

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Cet article a été écrit par un collaborateur. Autour de l'île tient à remercier tout ceux et celles qui contribuent par leur écrits au dynamisme du journal et de son site Internet.

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