Chronique littéraire

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Pandémie, quand la raison tombe malade

Publié aux Éditions Boréal, c’est un essai de Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et chercheur de renommée mondiale. L’auteur pose une question fondamentale avant de proposer une réflexion critique sur les enjeux profonds que la crise de la COVID-19 a révélés dans notre manière de faire face à l’imprévu : comment expliquer qu’une civilisation qui connaît la mécanique quantique, qui a mis les pieds sur la lune et qui a les moyens de bouleverser, à elle seule, le climat de la planète, n’ait pu faire mieux pour contrer un nouveau virus que d’enfermer sa population à double tour pendant des mois, mesure digne du Moyen Âge, créant au passage la plus grande contraction économique de son histoire ?

Pour plusieurs chercheurs, déclare Normand Mousseau, l’approche du confinement mur à mur est démesurée : elle présente des coûts sociaux et économiques qui dépassent largement ses avantages et ignore complètement les dommages collatéraux qu’elle cause. Au Québec, depuis mars 2020, l’état d’urgence a été annoncé par le gouvernement. Pourtant, l’état d’urgence ne peut dépasser 10 jours et doit être reconduit par décret. L’Assemblée nationale peut étendre la validité de cette période jusqu’à un maximum de 30 jours. Cette loi sur la santé publique permet de brimer les droits fondamentaux de manière temporaire. Elle protège du regard des tribunaux les mesures adoptées et les décisions prises durant l’état d’urgence.

L’argument circulaire – que le gouvernement décrète l’urgence sanitaire parce qu’il considère qu’il y a urgence sanitaire – ne fournit aucune définition de l’expression « menace grave ». De telles attaques contre les droits protégés par la Constitution, poursuit l’auteur, auraient dû s’accompagner d’une justification soigneusement argumentée et d’un suivi transparent quant aux dommages causés par celle-ci (l’urgence sanitaire). Pourtant, dans une démocratie, la panique ne justifie pas toutes les dérives autoritaires. Quelques démocraties, comme la Suède, ont eu le courage de ne pas céder au vent de panique et de ne pas suivre le mouvement autocratique.

L’arrivée de la deuxième vague a ramené le Québec au rang des sociétés les plus autoritaires. Comme l’explique Normand Mousseau, des approches plus ancrées dans la science étaient pourtant possibles. Par exemple, la mise en place d’un programme d’assistance visant précisément les citoyens les plus à risque et ceux qui les entourent. Malheureusement, pris entre les médias qui affolaient la population, des experts externes qui multipliaient les alertes sur la place publique, l’INSPQ n’a pu sortir du mode réactif adopté au début de la pandémie pour faire le travail stratégique qui s’imposait. Nous pourrions, conclut l’auteur, nous donner les outils nécessaires pour mieux traverser la crise et celles que l’avenir peut apporter et y arriver à condition de ne pas nous laisser aveugler par la peur et en choisissant collectivement une réponse rationnelle et humaine pour tous nos concitoyens.

L’empire invisible – Essai sur la métamorphose de l’Amérique

De Mathieu Bélisle, publié aux Éditions Leméac, cet essai dépeint l’Amérique actuelle qui, depuis les années 1990, semble condamnée à aller de crise en crise et d’un effondrement à l’autre. Pourtant, selon l’auteur, ce n’est ni le signe d’une chute, ni d’un déclin, mais d’une métamorphose. L’empire américain change de nature sous nos yeux. C’est une autre dimension de son « être » qui voit le jour ou renaît sous une forme inédite. L’empire est en train d’œuvrer à sa propre invisibilisation. Il a créé les moyens inédits de s’établir au cœur de notre existence, au plus près de notre pensée et de notre imagination, jusqu’à ne plus devoir être vu. Si bien que le monde d’aujourd’hui, explique l’auteur, est en train d’absorber l’Amérique, de la métaboliser. Avec beaucoup d’originalité, Mathieu Bélisle nous propose une vision, étayée de plusieurs exemples des événements du 21siècle, de cette mutation de l’Amérique.

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