Dans le numéro précédent du journal Autour de l’île, nous avons décrit l’approche de la MRC de L’Île-d’Orléans dans l’élaboration d’un Plan régional des milieux humides et hydriques et tenté de mettre en évidence les services essentiels que ces milieux rendent à la nature et aux humains qui l’habitent.
Dans ce deuxième volet, nous expliquons la démarche visant à accorder aux milieux humides et hydriques (MHH) une cote en fonction de l’intérêt qu’ils représentent pour la communauté et l’environnement. La méthode de classification et de hiérarchisation est celle proposée par le Groupe Hémisphères, telle qu’elle apparaît dans les documents déposés à la Table de concertation.
Pourquoi donc procéder à une telle opération ? En raison du fait que la Loi oblige les MRC à identifier « les milieux présentant un intérêt particulier pour la conservation […] », il s’avère essentiel pour ce faire d’identifier d’abord, parmi eux, les milieux les plus rares, les plus étendus et évidemment les plus susceptibles de répondre à diverses préoccupations, en l’occurrence la valeur écologique de ces milieux, leurs fonctions de même que leur potentiel (valeur) de conservation, notamment.
Valeur écologique des MHH
La valeur écologique des MHH a été évaluée sur la base de critères tels que leur superficie, leur complexité (nombre de peuplements différents), l’occupation des terres adjacentes (une forêt est préférable à un champ cultivé ou à une zone urbanisée), l’absence de perturbation (drainage, chemins, etc.) de même que la présence de corridors écologiques (voir l’encart 2). Ces critères, une fois pondérés, ont permis d’identifier un certain nombre de milieux de grand intérêt ; certains parmi eux apparaissent au tableau et sur la figure.
[1]C’est cette démarche – et ses résultats – qui a été présentée à la Table de concertation mise sur pied pour réagir aux travaux effectués au sein de la MRC sur l’un ou l’autre aspect de la question. Rappelons que cette Table a siégé sur une période d’environ deux ans.
[2] Elle est décrite dans les documents : 1) Caractérisation environnementale- Portrait global des milieux humides et hydriques sur le territoire de la MRC de L’Île-d’Orléans, Groupe Hémisphères, Rapport technique, 21 décembre 2020 ; et 2) Détermination des milieux humides d’intérêts pour la conservation, Groupe Hémisphères, complément au premier document.
[3] Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques.
Tableau : Milieux humides d’intérêt écologique de grande valeur sur le territoire de l’île d’Orléans*
Description du milieu humide ou hydrique (MHH) ou du complexe** de MH | Lieu d’implantation /bassin versant (unité géographique (UG)) | Valeur écologique |
L’ensemble des MH du littoral nord de l’île. Grande diversité de MH (eaux peu profondes, marais, prairies humides). Présence d’espèces végétales à statut précaire. Lieux de nidification et de reproduction d’amphibiens et de la sauvagine. | Littoral du Saint-Laurent / UG21 | Très élevée |
• Les MH littoraux de la pointe est de l’île. • Le complexe 171 ( marécages et prairie humide ). Structure végétale variée. | Saint-François / UG12 et UG13 | Élevée |
• Le ruisseau du Moulin, le moins perturbé de l’île, est bordé d’une bande boisée qui constitue un corridor écologique*** d’importance. • Le complexe 145 ( marécages et tourbière boisé ), de grande superficie, à la tête du ruisseau du Moulin, est diversifié et peu perturbé. | Sainte-Famille et Saint-François / Bassin versant du ruisseau du Moulin / UG9 | Très élevée |
Le complexe 16 (tourbière boisée et marécage arborescent) est le plus grand MH forestier de la pointe ouest de l’île. Peu perturbé. Source de deux cours d’eau. | Saint-Pierre et Saint-Laurent, près de la route Prévost / UG18 | Très élevée |
Le complexe 105 (grande tourbière boisée qui représente 40% des MHH du bassin versant) à la source de la rivière Lafleur. Milieu unique mais perturbé : remblaiements, nombreux fossés de drainage, coupes forestières récentes et chemins forestiers. | Saint-Jean / Bassin versant de la rivière Lafleur / UG02 | Très élevée |
Le complexe 98, le plus grand de l’île, occupe la quasi-totalité du bassin versant. Milieu perturbé : remblaiement, coupes forestières récentes et chemins forestiers. | Sur la frontière entre Saint-Pierre et Sainte Famille / Bassin versant de la rivière du Pot au Beurre / UG08 | Très élevée |
Le complexe 38 chevauche deux bassins versants qui se déversent du côté sud de l’île. Milieu diversifié (marécages arborescents et prairie humide). Une partie de ce complexe récemment remblayé. | Saint-Laurent / À cheval sur les bassins versants du ruisseau Saint-Patrice (UG06) et de la rivière du Moulin (UG05) | Élevée |
(*) Pour situer les unités géographiques et les complexes de MH sur le territoire, se référer en ligne à la carte présentée dans le numéro de février du journal Autour de l’île ; et, pour la partie centrale de l’île, à celle fournie dans cet article.
(**) Voir l’encart no 1.
(***) : Voir l’encart no 2.
Figure : Valeur écologique des milieux humides de la partie centrale de l’Île d’Orléans

Quelques fonctions des MHH
Sous ce titre apparaissent de nombreux critères qui ont été pondérés à partir des préoccupations soulevées au sein de la Table de concertation. Il s’agit de critères associés à des services à la population plus facilement observables. On y trouve notamment :
- le contrôle des inondations et la protection des rives, deux questions particulièrement préoccupantes particulièrement à Saint-François où on a déployé et déploie encore beaucoup de ressources à cette fin ;
- le contrôle des sédiments et la séquestration des contaminants par le sol, les bactéries et les plantes, ce qui assure une filtration naturelle de l’eau ;
- la régulation des débits des cours d’eau et la recharge des nappes phréatiques qui sont favorisées lorsque des MH, tels les marécages arborescents ou les tourbières, sont à la source des cours d’eau ou en tête des bassins versants.
D’autres critères ont aussi été utilisés en vue de la priorisation des MHH. Citons notamment la présence en nombre de milieux humides dans le bassin versant considéré ; moins il y a de MH, plus ces derniers prennent de l’importance. Mentionnons aussi celui de la présence d’habitats d’espèces à statut précaire ainsi que de corridors écologiques.
L’ensemble de l’opération a fait ressortir que les milieux de valeur très élevée, élevée et moyenne représentent 95% de l’ensemble de la superficie des MH du territoire, ce qui laisse entrevoir pour le futur des efforts de conservation et des interventions ciblées, particulièrement là où des perturbations ont été identifiées dans des milieux de grande valeur.
Dans le troisième volet du reportage, nous verrons comment la MRC, dans son Plan régional des milieux humides et hydriques, affirme ses engagements et a élaboré sa stratégie de conservation.
Encart 1 : Complexe de milieux humides
« Un complexe de milieux humides est composé de MH de type, de forme et de superficie variés qui sont juxtaposés les uns aux autres ». À titre d’exemple, le complexe 100 situé à Sainte-Famille et appartenant à quatre bassins dont ceux de la rivière du Pot au Beurre et de la rivière Maheu (voir la figure), est constitué de tourbières (boisées et ouvertes) et de marécages arborescents. Cette diversité de milieux humides implique à son tour une plus grande diversité des espèces végétales, animales ou microbiennes qui l’occupent (biodiversité).
Encart 2 : Corridors écologiques
Les corridors écologiques sont des passages terrestres ou aquatiques (ruisseaux et rivières) entre milieux naturels qui permettent les déplacements de la faune et la dissémination de la flore. On trouve d’ailleurs une plus grande variété d’espèces dans les lieux connectés par ces corridors. On peut considérer que la bande forestière présente entre les complexes 100 et 98 constitue un corridor écologique (voir la figure).