Un journal ébranlé

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Le journal Autour de l’île est un média communautaire qui se veut neutre et indépendant et qui prend les moyens pour éviter les interférences visant à influencer le traitement de l’information.

C’est ainsi que se définit le journal Autour de l’île dans les premières lignes de sa politique d’information. La mise en application de cette définition en a pris pour son rhume ces temps derniers où notre média a subi des pressions telles que des décisions ont été prises dans l’urgence et dans un climat de peur. Peur d’être l’objet de poursuites (abusives si on en juge par la teneur des mises en demeure reçues) et peur de voir une municipalité entreprendre des démarches en vue de voir coupée la contribution financière de la municipalité régionale de comté (MRC) qui fournit à peu près le quart de son budget. Tel était l’état d’esprit qui régnait au sein du journal au moment où ce dernier a choisi de ne pas publier deux textes en rapport avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire de Sainte-Pétronille », laquelle, soulignons-le, a fait le tour du pays. Ces erreurs commises, relativement aux lieux de décisions et aux décisions elles-mêmes, ont été par la suite admises au sein du journal. Mais la conjoncture s’est embrouillée encore davantage du fait de conflits d’intérêts dans ses trois grandes composantes, à savoir l’administration, la gestion et la rédaction[1].

Qui a le dernier mot ?

Ce contexte très particulier nous aura au moins forcés à nous pencher à nouveau sur nos règlements et sur notre code d’éthique. La question qui se pose est la suivante : qui a le dernier mot quant à la décision de publier ou pas un article ? Face à cette question, l’auteur de ces lignes persiste à croire qu’il revient à la rédaction seule de déterminer si un texte, une fois passé au crible du code d’éthique et, dans des cas exceptionnels, après consultation d’organismes externes compétents dans le domaine des médias, sera publié ou pas. Sinon, la porte est ouverte à toutes les pressions, l’autocensure s’installe et la liberté de presse « mange sa claque ».

Le conseil d’administration (CA) est composé de six représentants des municipalités de l’île et de six représentants de la population, élu.e.s en assemblée générale. Son rôle consiste à voir aux affaires courantes, à adopter les politiques et les règlements et à prendre les décisions relatives au budget. Le CA est plus vulnérable face aux pressions politiques ou autres et ne doit pas, de ce fait, être impliqué dans les décisions relatives au contenu rédactionnel. Un mur étanche doit être érigé entre ces deux entités du journal.

Résister aux menaces

Autres questions : le journal dispose-t-il des moyens nécessaires pour résister aux menaces et aux entraves à la liberté de presse et quelles sont les solutions envisageables pour faire face aux éventuels auteurs d’intimidations ? Une chose est certaine, plier l’échine n’est jamais une solution aux injonctions venant de l’extérieur, car il est bien connu que l’assaillant ne s’arrête que s’il est fortement dénoncé. La vague de soutien apportée par les médias québécois et nationaux, de même que par des organismes liés à la défense de la presse, après les mises en demeure de la municipalité de Sainte-Pétronille, illustre bien un mécanisme de défense fort efficace, soit la mobilisation autour de thèmes chers aux démocrates : la liberté de parole et la liberté de la presse ainsi que le droit du public à l’information.

Retour sur la question de l’éthique

Cet aspect de l’éthique est délicat et il est parfois difficile de statuer sur le fait qu’une personne soit en situation de conflit d’intérêt, d’apparence de conflit d’intérêt ou encore n’appartienne ni à l’une ni à l’autre de ces catégories. Dans le cas qui nous occupe toutefois, il aurait été avisé que ceux et celles se trouvant possiblement dans cette inconfortable position se retirent de toutes discussions, de toutes décisions et de toutes actions relatives à l’affaire. Pas question ici d’exiger des démissions en pareil cas, car n’importe qui, autour de la table d’un organisme quelconque, peut se retrouver un jour ou l’autre dans une telle situation, particulièrement dans de petits milieux où les liens de parenté, d’amitié ou d’affaire font de tous des candidats potentiels à ce statut peu enviable.

Le paragraphe ci-dessous en exergue 

Extrait du préambule du Code d’éthique et de déontologie du journal Autour de l’île. « […] la responsabilité [du] journal vis-à-vis du public prime sur toute autre responsabilité et le choix des informations rendues publiques doit être guidé par le seul principe de l’intérêt public. »

La question du protocole d’entente avec la MRC

Comme nous l’avons dit précédemment, la MRC soutient financièrement le journal. La contribution annuelle est de 55 000 $ (indexable selon l’IPC) et le Protocole d’entente d’octobre 2023 précise qu’il en sera ainsi jusqu’en 2026. Certains y voient une forme de contrôle sur le journal, surtout si on tient compte de la composition du CA. D’autres considèrent toutefois que cet appui au journal se révèle aussi justifié que pour d’autres services à la population tels, par exemple, les bibliothèques, les comités de loisirs, les camps d’été, etc. En soutenant le journal, les élus n’affirment-ils pas aussi le droit de la population à l’information ?

L’entente stipule « [qu’] Autour de l’île s’engage à respecter ses politiques, règlements et codes de même que le Code de déontologie du Conseil de Presse », ce qui peut sembler aller de soi, mais qui est, dans les faits, une protection (pour le journal), car ces balises réglementaires sont ainsi faites qu’elles visent justement à garantir ce droit à l’information ainsi que l’autonomie de la rédaction.

Et qu’en sera-t-il demain ?

On peut estimer sans risque de se tromper que le journal tirera profit de cette malheureuse situation, notamment en nous sensibilisant tous aux règles qui guident ses actions et ses décisions et ce, autant à l’intérieur de sa structure que dans la population orléanaise.

Le climat actuel de soutien quasi unanime au journal et aux nombreux citoyens qui réclament d’un commun accord leur droit de parole et de participation à la vie démocratique n’est-il pas l’occasion inespérée pour le journal de justifier une autonomie essentielle aux débats ouverts et à la circulation des idées.

  1. Le terme rédaction est utilisé pour désigner le comité de rédaction qui rassemble le rédacteur en chef, un salarié, et les rédacteurs bénévoles.

[1] Le terme rédaction est utilisé pour désigner le comité de rédaction qui rassemble le rédacteur en chef, un salarié,  et les rédacteurs bénévoles.

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