Si ça va si bien en agriculture selon le gouvernement, pourquoi ça va si mal alors ?

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Lettre ouverte à l’attention de François Legault, premier ministre du Québec et d’André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation

« Notre fin sera votre faim », « jeune on en rêve, adulte on en crève », « pas de nourriture, sans agriculture », voilà quelques slogans qui ont été scandés aux quatre coins du Québec dans les dernières semaines. Si vous avez ouvert votre téléviseur ou consulté les différents médias récemment, vous avez sans doute vu les centaines de tracteurs et les milliers de productrices et de producteurs manifester pour exprimer leur colère quant à l’inaction du gouvernement caquiste concernant la crise actuelle dans le milieu agricole. Quand on constate que le revenu agricole net chute au même niveau qu’en 1938 et que le budget en agriculture du gouvernement représente moins de 1 % de sa totalité et quand on constate que la situation du deux tiers des entreprises agricoles s’est détériorée au cours des trois dernières années, que 20 % de celles-ci ont demandé un congé en capital à leur institution bancaire et que 42 % ont un solde résiduel négatif en 2024, le mot colère peut être utilisé adéquatement à mon sens. Je suis l’un d’entre eux et je porte leur voix aussi fort que je le peux afin que le gouvernement nous octroie une aide d’urgence et qu’une véritable vision à long terme émane pour l’agriculture au Québec. Le gouvernement nous écoute, mais il ne fait rien, strictement rien.  

Toutes nos mobilisations furent pacifiques et nous avons l’appui indéfectible des citoyennes et des citoyens envers notre cause. Nos doléances et nos messages ont réussi à atteindre le gouvernement qui, du bout des lèvres, a été en mesure d’admettre que nous, productrices et producteurs agricoles, vivons une crise. L’admettre c’est une chose, mais agir pour contrer la crise, c’est ce qu’on attend présentement du gouvernement. Il a maintenant l’opportunité d’en faire plus et de faire mieuxpour l’agriculture au Québec.

Il y a quelques semaines à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une interpellation de deux heures sur le thème L’agriculture au Québec mise en friche par le gouvernement caquiste, la façon dont le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, a répondu aux questions des oppositions m’a complètement sidéré. Une fenêtre d’opportunité se présentait à lui afin qu’il nous amène un peu d’espoir, en ce début de période estivale et de travaux aux champs. Nous avions énormément d’attentes, mais encore une fois, quel rendez-vous manqué de la part du gouvernement ! À croire les propos du ministre, il n’y a pas urgence d’agir en ce moment. Le gouvernement mise tout sur le programme Agri-relance, dont les négociations sont en continu avec le gouvernement fédéral et dont nous sommes encore et toujours en attente. Mais ce programme réglera seulement le mal causé par les excès de pluie en 2023 et pour certains producteurs, c’est une goutte d’eau dans l’océan.

Il n’y a absolument rien de concret en ce moment pour appuyer le manque de liquidité de certaines entreprises agricoles. Alors que nous réclamons des aides directes pour appuyer nos différentes filières, le message du gouvernement a plutôt été d’utiliser la deuxième, ou encore la troisième et même dans certains cas la quatrième carte de crédit disponible par la Financière agricole du Québec via la création du Fonds d’urgence. Le ministre Lamontagne évoque souvent que son équipe et lui sont disponibles pour les entreprises en difficulté et qu’elles ont simplement à lever la main pour obtenir de l’aide. Pourquoi alors chaque semaine, je reçois des appels de productrices et de producteurs qui doivent mettre la clef sous la porte parce qu’ils n’ont pas reçu d’aide de ce même ministère et que 14 % des fermes de la région pensent arrêter leurs activités ? Pourquoi sommes-nous des milliers à sortir manifester pour demander d’avoir des budgets rehaussés et adaptés à nos régions, que les programmes de gestion des risques soient révisés et d’obtenir un allégement administratif alors que cela fait des années qu’on le demande ? Pourquoi le gouvernement pense que tout va si bien en agriculture alors que ça va si mal ? Sur le terrain, le message n’est pas le même et ce n’est pas faute d’avoir invité M. Lamontagne à venir visiter les entreprises agricoles de la région de la Capitale-Nationale–Côte-Nord qui vivent des situations de précarité importante.

On nous demande d’être résilient et d’être patient tout en continuant de travailler pour vous nourrir. On est ou on devient producteur agricole par passion, mais nous ne sommes pas des magiciens. On ne peut pas créer de la richesse agronomique, protéger des terres cultivables et avoir des revenus décents à partir de rien. Ça nous prend du soutien de notre gouvernement si on veut continuer à parler d’autonomie alimentaire, d’achat local et de vitalité des régions. Ça nous prend du soutien si on veut continuer d’avoir une agriculture québécoise !

 Reconnaître qu’il y a une crise était un premier pas dans la bonne direction. Nous avions l’impression d’être guidés à bon port, mais actuellement, on réalise qu’il n’y a personne qui tient le gouvernail puisqu’il n’y a aucune stratégie concrète à court et à long terme pour aider directement les productrices et les producteurs. Si M. Legault et M. Lamontagne sont d’avis qu’il y a une crise en agriculture,  ils doivent apporter un soutien immédiat et une vision à long terme afin de nous aider à traverser celle-ci. Si la patience est une vertu, celle-ci vient d’atteindre un point de rupture. L’attente a assez duré ! 

Yves Laurencelle

Président de la Fédération de l’UPA de la Capitale-Nationale–Côte-Nord

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Cet article a été écrit par un collaborateur. Autour de l'île tient à remercier tout ceux et celles qui contribuent par leur écrits au dynamisme du journal et de son site Internet.

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